Tout savoir sur le revenu universel
Notre sélection de ressources

Du 9 mars au 25 avril 2022, à l’occasion de l’atelier «Tout savoir sur le revenu universel» le 24 mars, la Bpi vous propose une sélection de ressources ainsi qu’une bibliographie sur le revenu de base.

usager consultant un ouvrage à la Bpi
© Julien Masson / Bpi

Parmi les images marquantes de la crise du covid-19, on retiendra celle des longues files d’attente d’étudiants venant récupérer un colis alimentaire auprès des associations. Privés de leurs petits boulots à cause des restrictions sanitaires, 72% des étudiants déclaraient alors rencontrer des difficultés financières. La pandémie a été un révélateur de la précarité étudiante, et a relancé le débat sur la mise en place d’un « RSA étudiant ». Actuellement, il existe un « RSA jeune actif », mais il ne concerne que les 18-25 ans justifiant d’une d’activité professionnelle à temps plein. Les étudiants peuvent bénéficier d’une bourse sur critères sociaux, mais est-ce suffisant sachant qu’ils sont plus d’un sur cinq à vivre sous le seuil de pauvreté ?

Le débat autour d’un « RSA étudiant » s’inscrit plus largement dans celui du « revenu universel », aussi appelé « revenu de base », « revenu inconditionnel » ou encore « revenu minimum d’existence ». Il s’agit d’une somme d’argent allouée chaque mois à tous les citoyens, sans condition de ressources, et quel que soit leur situation familiale ou professionnelle. Depuis une dizaine d’années, l’idée fait son chemin chez les responsables politiques et dans les débats de société. Pourtant, ce n’est pas une idée nouvelle : dès le XVIe siècle, Thomas More et Thomas Paine imaginaient la création d’un revenu minimum permettant à chacun de répondre à ses besoins fondamentaux. Au XIXe siècle, le socialiste Joseph Charlier s’en inspira pour proposer un « dividende territorial » distribué à tous les citoyens et financé par les rentes des propriétés possédées par l’État. À l’entre-deux-guerres, les philosophes John Rawls et Bertrand Russell s’intéressent au concept de revenu universel et y voient un instrument de justice sociale et le moyen d’atteindre l’égalité des chances. Milton Friedman, fondateur du courant monétariste et prix Nobel d’économie en 1976, développe une théorie proche de celle du revenu base : pour réduire la pauvreté, il propose de mettre en place un impôt négatif sur le revenu, autrement dit un crédit d’impôt universel (sous forme d’avoir fiscal déduit des impôts, ou d’un remboursement par le Trésor public). Le concept d’impôt négatif sera repris par un autre prix Nobel d’économie, James Tobin, ainsi que par Lionel Stoléru, l’inventeur en France du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, qui deviendra en 2008 le revenu de solidarité active (RSA).

Si la campagne présidentielle de 2017 avait donné une grande visibilité au concept de revenu universel, la crise sanitaire et l’échéance électorale de 2022 l’ont remis au goût du jour. Pour ses défenseurs, c’est une solution pertinente pour faire face à la hausse des inégalités sociales et pour lutter efficacement contre la pauvreté. Actuellement, 14,6% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté en France, un chiffre en augmentation depuis le milieu des années 2000 où il était de 12,7%. Sous la forme d’un impôt négatif, une solution plébiscitée par les économistes libéraux, l’allocation versée aurait vocation à remplacer les minimas sociaux et à alléger la pression fiscale, notamment grâce à l’instauration d’une flat tax (impôt à taux unique).

Pour ses détracteurs en revanche, le revenu de base risquerait d’encourager l’oisiveté et de dissuader les citoyens à s’insérer dans le monde du travail. Il s’agit d’une conséquence encore difficile à mesurer, bien que les expérimentations menées jusque-là tendent à prouver le contraire : en Finlande, une expérience menée en 2018 avec des chômeurs de longue durée a montré que le revenu de base n’avait pas d’effet significatif sur l’emploi. De plus, il favoriserait le bien-être des bénéficiaires en agissant comme complément de revenu et filet de sécurité4. Cette conclusion est d’ailleurs saluée par les libéraux qui y voient une occasion de justifier la flexibilisation du marché du travail.

On constate donc qu’au coeur du concept de revenu universel, c’est la question du travail et de ses évolutions qui nourrit les débats. En effet, avec la numérisation et la robotisation de certaines tâches, les emplois peu qualifiés de l’industrie et du secteur tertiaire sont menacés de disparaître. Bon nombre des travailleurs concernés ont d’ores et déjà le sentiment que leur travail « ne paie plus ». D’autre part, le marché de l’emploi connaît de profondes mutations avec le développement de l’ubérisation et de l’auto-entreprenariat. Les plateformes numériques brouillent les frontières entre travail indépendant et salariat, au détriment des travailleurs dont le statut est peu protecteur malgré des conditions de travail souvent difficiles. Plus largement, le revenu universel interroge notre modèle de société et nous invite à repenser notre rapport au travail : de fait, le revenu de base permettait de valoriser des activités et des projets bénéfiques pour la communauté, bien que non-rémunérés et non-marchands (s’occuper de ses proches, faire du bénévolat, pratiquer un art, etc.). Alors que le spectre du dérèglement climatique condamne la perspective d’une croissance économique infinie, il semble nécessaire de réévaluer la valeur-travail à l’aune de ses conséquences sur l’environnement.

Sur le papier, de nombreux arguments sont donc en faveur du revenu universel. Dans les faits, sa mise en place pose d’épineuses questions, notamment celle de son financement. Selon le montant versé (entre 500 et 1 000€ par mois), un rapport d’information du Sénat datant de 2016 évalue le coût « brut » du revenu universel entre 300 et 700 milliards d’euros par an5. La faisabilité d’une telle mesure reste encore à démontrer, mais les expérimentations locales sont nombreuses (aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, en Inde, en Allemagne, etc.) et devraient permettre d’évaluer son efficacité et sa viabilité. En France, plusieurs régions et départements ont annoncé vouloir expérimenter le revenu universel (Gironde, Ariège, Aude, Haute-Garonne, Seine-Saint-Denis, etc.). En attendant, vous pouvez vous inscrire sur le site de l’association Mon Revenu de Base et participer à une expérimentation du revenu universel par tirage au sort.

Vous souhaitez aller plus loin sur le sujet ? La Bpi vous propose une sélection de documents et d’ouvrage sur le thème du revenu universel à consulter au niveau 3 dans l’espace Droit-Eco-Tech jusqu’au 25 avril 2022. Vous pouvez également consulter en ligne ou télécharger en PDF la bibliographie réalisée par nos bibliothécaires.

Publié le 10/03/2022 - CC BY-SA 4.0