La Bpi vous propose une playlist commentée avec les morceaux préférés de nos bibliothécaires !
Pour compléter notre dossier spécial en hommage à David Bowie, nos bibliothécaires ont sélectionné pour vous leurs morceaux préférés, piochés dans l’immense liste de chansons écrites par l’artiste, et vous expliquent leur choix tout personnel à travers un souvenir ou une chronique ! Retrouvez l’intégralité de cette playlist sur Tympan, le service d’écoute en ligne de la Bpi, accessible sur tous les ordinateurs et vos smartphones ou tablettes connectés au wifi-bpi !
Ashes to Ashes (Scary Monsters, 1980)
C’était un temps où, par l’intermédiaire d’un animateur de radio, on se passait des dédicaces musicales. Maladroitement, le gamin bougeottait sur les hits du moment : Thriller et Beat it bien sûr ; le hip-hop émergent ; et Let’s Dance, la tuerie d’un rocker trentenaire (un vieux, donc) jadis sulfureux. La cousine plus âgée de Lyon, elle avait vu Bowie en concert. Elle connaissait le répertoire. Pour ne pas effrayer le gamin, un soir, elle lui dédie via la FM un tube de l’album précédent, Ashes to ashes. Et là, tout se retourne comme un gant : la production clinquante (basse slappée, synthés) se tord sous l’effet du multiple incarné par les différentes voix de Bowie ; la diffraction trouble la surface ; Pierrot fait du vrai avec du faux. Ashes to ashes est souvent présentée comme un titre inaugurant une nouvelle ère, les chics eighties (où Bowie, de son propre aveu, sera « présent partout, sauf dans ses disques »). C’est en fait une implacable litanie existentielle, hantée par « la rumeur du Ground Control » qui s’éloigne, le souvenir d’ une très ancienne chanson (Space Oddity) et un personnage, Major Tom, devenu un junkie. Claude (bibliothécaire Service Musiques)
Rock n’ Roll Suicide (Ziggy Stardust, 1972)
Rock’n roll suicide est la dernière chanson d’un chef d’œuvre, l’album The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars sorti en 1972 dont tous les titres vont devenir des références incontournables dans la discographie de David Bowie… Elle est interprétée en fin de concert pendant toute la tournée Ziggy Stardust Tour 1972-1973 et résonne, avec un texte sombre et la voix implorante du chanteur, comme les prémices à l’annonce du 3 juillet 1973 : « De tous les concerts, celui-ci restera le plus longtemps dans nos mémoires. Car ce n’est pas seulement la 60e et ultime date de la tournée : c’est le dernier concert que nous donnerons, pour toujours ». Grosse déconvenue pour un public croyant que le chanteur met fin à sa carrière mais aussi pour les Spiders excepté Mick Ronson qui apprennent la nouvelle ce soir-là. Rock’n roll suicide n’est pas un morceau rock mais un slow désespéré marquant cette étape dans la vie du chanteur, le sacrifice de Ziggy qui tenta de sauver l’humanité de l’ennui, peut-être la mort de la jeunesse elle-même… Pour mieux se réincarner ensuite ? Manuel (bibliothécaire service Musiques)
Moonage Daydream (Ziggy Stardust, 1972)
Quand on est fan de Bowie, choisir le titre que l’on préfère, c’est un peu la mission impossible. Et pour cause, comment faire un choix dans un répertoire aussi immense ? Mais s’il faut se prêter à l’exercice, quitte à changer d’option trois mois plus tard, on se raccroche aux souvenirs de coups de foudre musicaux les plus vibrants. Et de mon côté, c’est bien Moonage Daydream qui arrive en tête. La décennie 70 est sans aucun doute ma période préférée de Bowie (ne serait-ce que parce qu’elle regroupe à elle seule le sublime Ziggy Stardust et le fascinant Low, si différents, mais inégalables chacun à leur façon). Quand j’ai écouté pour la première fois The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, j’ai été submergée par sa beauté infaillible. L’album subjugue par son sens de la mélodie et par son énergie rock ensorceleuse. Chaque seconde transpire la sensualité et la finesse absolues (normal, c’est Bowie !). Le glam dans toute sa splendeur, la grande classe. Et Moonage Daydream dans tout ça ? Irrésistible, tout simplement. Qui n’a pas envie, dès les premières secondes, de se laisser sciemment envoûter par cet alligator, ce « space invader » hypnotique, sans jamais revenir sur terre (qui n’a de toute façon plus que cinq ans d’existence devant elle, comme Ziggy l’annonce en ouverture de l’album…) ? Et le final de la chanson, probablement l’un des plus jubilatoires de l’histoire du rock, avec ce solo de guitare de Mick Ronson tout droit venu de l’espace, n’est-ce pas la chose la plus délicieuse que l’univers ait offert à nos oreilles ? Une rêverie magnétique et… Irrésistible, il n’y a pas d’autre mot. Marina (bibliothécaire service Arts & littérature)
Station to Station (Station to station, 1976)
D’abord il y a ce train qui arrive. Le vrombissement du train à vapeur qui démarre est produit par d’énormes larsen provenant de la guitare d’Earl Slick. Puis ce met en place ce groove froid inimitable, comme seul Bowie savait les mettre en scène en réussissant les meilleurs musiciens de la planète. Soudain, il arrive, le Thin white duke, et il nous prend de haut, lui le dandy drogué, nouvel avatar d’un Bowie totalement perché : Il vient de passer l’année 1975 enfermé dans une villa des hauteurs de Los Angeles, inondant son cerveau d’un flux continue de cocaïne. Il a fui les groupies, Ziggy, s’est perdu. Il est de retour, avant de prendre le chemin de l’austère Europe, du froid Berlin. Il est en transition. Mais en attendant, il est là, avec son cabaret déglingué fait de rock dandy et de sophistication plastic soul. Puis le morceau s’accélère : le train quitte la gare et nous emmène sur les rails de la folie. Il va de station en station, répandant occultisme et romantisme sur sa route, avec des mécanos de choix : Carlos Alomar, George Murray, Dennis Davis, rien que ça… Soudain, une référence biblique vient ébranler le concept ferroviaire (« from Kether to Malkuth » fait référence aux Sephiroth de la Kabbale) : et si les « stations » du titre étaient celles du chemin de croix ? Station to Station est un chef-d’œuvre musical alliant rythm n’ blues, électronique, folie rock pure, l’un des tous meilleurs morceaux de David Bowie. Long de plus de 10 minutes, c’est un voyage musical hédoniste, qui transpire la folie, l’expérimentation, le génie de la production de Bowie et son talent pour s’entourer des tous meilleurs musiciens. Il donne son titre au 10e album de Bowie, sortie en 1976, offrant cinq morceaux dont Golden Years (morceau refusé par Elvis qui sera un grand succès pour Bowie) et Wild is the wind, une reprise de Johnny Mathis écrite en 1956 qu’il décide d’enregistrer après avoir entendu l’interprétation de Nina Simone. De nombreux fans considèrent d’ailleurs cette reprise comme une des plus belles performances vocales de sa carrière. Mais ceci est une autre histoire… Julien (service Communication)
African Night Flight (Lodger, 1979)
Lodger est un album que j’aime particulièrement. Il est étonnant et captivant : absolument à l’image de David Bowie ! C’est le dernier volet de la trilogie berlinoise après Low (1977) et “Heroes” (1977), conçue avec Brian Eno et Tony Visconti. J’adore cette période expérimentale lors de laquelle Bowie produit des ambiances étranges et qui a aussi donné naissance à des tubes comme Heroes ou D.J. African Night Flight est un morceau bizarre et extravagant aux sons métalliques produits par un piano préparé. La diction hyper saccadée de Bowie est assez folle (essayez de chanter ce texte, c’est impossible ! ) et le refrain offre des voix envoûtantes. Le morceau est très riche, à chaque écoute, on peut y découvrir un son nouveau. C’est une véritable invitation au voyage et au laisser aller, tout comme ce disque inclassable. Quand je l’entends, je suis transportée vers un ailleurs magique ! Camille (bibliothécaire – service Développement des publics)
Black Tie, White Noise (Black Tie White Noise, 1993)
Après son mariage avec Iman, Bowie s’installe à Los Angeles juste au moment où éclatent les émeutes, suite à l’affaire Rodney King. Il assiste aux évènements depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel, à la fois médusé et euphorique. D’un intérêt plus social que musical, la chanson Black tie white noise est la lecture de Bowie des relations entre Noirs et Blancs dans la musique et plus largement. Pour résumer son propos : les Noirs ont leurs propres idées et cultures et n’ont pas besoin des Blancs pour rayonner. Tantôt humaniste, tantôt sarcastique, il raille les duos mielleux entre chanteurs noir et blanc, pleins de bonnes intentions (comme Ebony and Ivory) ou les campagnes de pub de la marque Benetton, qui ne sont, selon lui, que des prétextes servant à apaiser la conscience des Blancs et n’ayant rien à dire sur la réelle condition des Noirs. Le clip débute sur un plan d’un homme noir à terre, mort, avec un policer de dos en arrière-plan. Ce plan est suivi d’un autre où l’on voit une inscription murale : “La revolución, la esperanza de los desesperados”.En duo avec le chanteur et producteur Al B. Sure!, Black tie white noise est un titre imprégné du son r’n’b des 90’s mais résolument militant. Saïd (bibliothécaire service Musiques)
The Secret Life of Arabia (« Heroes », 1977)
“I was running at the speed of life / Through morning’s thoughts and fantasies”, le premier couplet de The Secret Life of Arabia résume toute la quête existentialiste de David Bowie dans le Berlin ouest de la fin des années 1970. La chanson déroule un texte laconique sur l’état méditatif dans lequel il se plonge pour composer sa musique. Bowie fait une allusion directe à son usage quotidien de l’héroïne – source indispensable de son inspiration – et à ses troubles neurasthéniques. Toute sa personnalité ambigüe jaillit de ce morceau. À la fois parolier froid et chanteur loufoque à l’accent cockney bien tranchant, héritage de ses années Mod où il n’était encore que Davy Jones, auteur d’un unique single You’ve Got a Habit of Leaving avec son groupe The Lower Third. The Secret Life of Arabia clôture l’album Heroes avec bonhomie et désinvolture alors que le Krautrock et la production de Brian Eno dominent l’ensemble. Le rythme infectieux, mélange de clappements de mains, de percussions et de charleston ouvert, se conjugue parfaitement aux riffs disco de Carlos Alomar. Aux chœurs, Antonia Maass, Tony Visconti et Brian Eno répètent de manière callisthénique qu’il existe un monde secret, immuable et introuvable où l’inspiration est éternelle. Le groupe The Clash s’est largement inspiré de la ligne de basse et de la rythmique pour composer The Call-up en 1980. Bowie n’aura laissé aucun courant musical indifférent. Aurélien (service Webmagazine)
What in the World (Low, 1977)
Quand on entend What in the world pour la première fois, on se demande: est-ce vraiment David Bowie? Les rythmes saccadés à la tonalité froide évoquent déjà Joy Division, le timbre de la voix se rapproche parfois étrangement de celui d’Iggy Pop… Et on ne se trompe pas vraiment puisque Low, album culte de la décennie seventies, et premier volume de la célèbre “trilogie berlinoise”, a été enregistré en grande partie au château d’Hérouville, où quelques mois plus tôt Bowie produisait l’album d’Iggy Pop TheIdiot. What in the world aurait même été imaginée à l’origine pour cet album, si l’on en croit l’ingénieur du son Laurent Thibault. Et on entend bien la voix du Godfather of punk sur les chœurs du morceau ! Quant à Joy Division, le groupe a été si impressionné par Low, qu’en 1977, cherchant encore un nom, il se renomme Warsaw – en hommage au morceau instrumental Warszawa, première collaboration de Bowie avec Brian Eno. Low est un album surprenant, expérimental, à la croisée de nombreux genres - krautrock , musique minimaliste, ambient, rock expérimental, art rock, musique électronique…- qui a eu une grande influence sur la scène rock des années 80, et tout particulièrement sur la cold wave. C’est d’ailleurs en lisant une interview de Robert Smith expliquant que Low avait été une de ses plus grandes claques que j’ai acheté le disque, au tout début des années 2000, délicieusement surprise par cette musique si différente des deux ou trois tubes de Bowie que je connaissais. What in the world se trouve sur la Face A de l’album, constituée de courts morceaux encore assez pop, dont les paroles souvent énigmatiques évoquent l’isolement ou l’aliénation: “So deep in your room /You never leave your room /Something deep inside of me /Yearning deep inside of me /Talking through the gloom /What in the world can you do?”…Sombre, saturé de références(les biographes de Bowie y décèlent des échos multiples, du standard I’m in the Mood for Love à You’re Lost Little Girl des Doors), ce n’est pas le morceau plus accessible de l’album – on est loin des riffs entraînants de Be My Wife ou d’A New Career in Town, mais c’est un excellent prélude à la Face B, plus expérimentale encore, avec ses longs morceaux essentiellement instrumentaux, parmi lesquels les sublimes Warszawa et Subterraneans. Émilie (bibliothécaire service Savoirs Pratiques)
Five Years (Ziggy Stardust, 1972)
Un rythme de batterie comme un cœur qui bat, une guitare caressée avec douceur, des paroles, apparemment sans queue ni tête, qui résonnent comme une prière… Le morceau introductif du monumental album The Rise and Fall of Ziggy Stardust monte à la tête comme un acide. La légende dit que le morceau raconte un rêve, dans lequel le père de David Bowie lui raconte qu’il ne lui reste que 5 ans à vivre, et qu’il ne pourra plus jamais voler. Cinq ans, c’est également le temps qui reste à la Terre condamnée, tandis que la chanson se déroule comme un long travelling : un quartier, une rue, les passants entre petites misères et grands gestes… De la nostalgie à l’espoir, Five Years est une valse, un hymne à la liberté, un morceau à écouter tous les jours, en marchant avec exaltation dans la rue sous la pluie… Et qui rappelle aussi que cinq ans, c’est long. Julie (service Communication)
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